Alors que les projecteurs ont quitté la scène de la Vuelta pour se braquer dès ce week-end sur l’Autriche où se déroulent les Championnats du Monde d’Innsbruck, la fête ne sera pas au rendez-vous pour tous. Andrey Amador, véritable fer de lance du cyclisme et plus largement du sport costaricain ne sera pas de la partie.
Une blessure ? Non (NDLR : il participe bien au contre-la-montre par équipe avec sa formation Movistar ce jour). Une non sélection ? Non plus. Car s’il figurait bien sur la startlist de la sélection nationale, c’était à une condition : mettre la main à la poche, au porte-monnaie, aller chercher son dimanche chez mamie, racler les fonds de tiroirs pour financer la participation de son pays aux Mondiaux. Même son de cloche pour ses compatriotes sélectionnés.
Cela peut paraître fou, mais non il ne s’agit en rien d’une fake news. Imaginez-vous la situation transposée chez nous ! Ok, nous finançons encore les déplacements de nos sportifs tricolores tandis que l’on coupe drastiquement dans l’encadrement comme nous l’ont démontré les récentes déclaration de notre nouvelle Ministre des sports dont personne ne semble savoir prononcer le nom. Ce qui n’empêche en rien son franc-parler, plutôt plaisant pour les déraillés que nous sommes. Bon, revenons à nos moutons en vous proposant simplement les communiqués du principal intéressé.
Communiqué – Le 5 septembre
Bonjour à tous,
Je vous écris ce message pour vous raconter une situation déplorable. Comme vous avez pu le lire dans les médias, le 30 septembre prochain aura lieu l’épreuve sur route des Championnats du Monde à Innsbruck (Autriche). Ce jour est le seul dans l’année où les coureurs costariciens ont l’opportunité de porter les couleur du Costa Rica aux yeux du monde entier. Toutefois, ce que devrait être une fête est loin de l’être car nous (les 3 coureurs sélectionnés) qui devons représenter le Costa Rica sur cette épreuve ne disposons d’aucun soutien.
Je pense sincèrement que c’est une honte. Parce que nous sommes peu de sportifs à exposer le pays au monde et nous ne recevons aucune forme de soutien.
Il y a quelque jours, j’ai discuté avec le sélectionneur et il m’a expliqué qu’il n’y a pas d’argent et que les deux coureurs qui vont venir avec moi vont devoir payer eux-même. En tout sincérité, cela me paraît dommage. Et le plus triste dans tout ça c’est qu’il y a des personnes qui vont devoir rester à la maison sans connaître cette opportunité unique de courir un événement de ce type par manque de moyens. Est-ce la situation que nous méritons ?
Personnellement, je pense que tous les cyclistes et sportifs méritent du soutien. Durant toute la saison, je me suis efforcé à porter notre drapeau du mieux que je pouvais et cela m’attriste de me retrouver face à cette situation de passivité causée par la Federación Costarricense de Ciclismo, l’ ICODER et bien-sûr, El Comité Olímpico.
Comme vous pouvez le comprendre, ce ne sont pas des conditions pour représenter le pays dans un Mondial. Par conséquent, si les choses ne changent pas, je ne disputerais pas les prochains Mondiaux. Je considère qu’il n’est pas normal que nous devions payer. Ce n’est pas la première fois que nous (les coureurs costariciens) nous retrouvons dans cette situation et je crois qu’il y a une limite à ne pas franchir.
Je ne suis pas là pour faire des économies. Je le fais pour dénoncer les institutions qui nous entourent. L’an dernier, je me suis chargé moi-même de prêter les tenues à la selección mais je pense qu’on ne peut plus continuer de la sorte.
Je pense sincèrement que c’est une honte. Parce que nous sommes peu de sportifs à exposer le pays au monde et nous ne recevons aucune forme de soutien.
Je pense, très honnêtement, que nous devrions nous demander à quoi sert l’argent et pourquoi il n’y en a pas. Le sport devrait être très important dans notre société mais nous ne donnons pas l’exemple pour les générations futures. A quoi vont rêver les jeunes d’aujourd’hui face à ce manque de soutien ? Quel exemple sommes-nous en train de leur donner ?
J’espère que ce message nous invitera à réfléchir et je souhaite que l’on nous donne un soutien suffisant afin de représenter le pays à Innsbruck.
Merci à tous,
Andrey Amador
Communiqué – Le 5 septembre
Cher Juan Manuel González, président de la FEOCOCI
Vous me demandez d’être solidaire. La solidarité signifie que je dois couvrir les dépenses années après années pour courir un Mondial ? Et ne pas les payer signifie ne pas aimer le pays ni le sport, en êtes-vous sûr ? Donc oui je suis solidaire mais pas avec vous. Je renonce à la selección pour le Mondial, je suis solidaire avec tous ces enfants qui rêvent d’être épaulés afin d’accomplir leurs rêves. Si personne ne proteste ici, rien ne changera.
Chers amis, en 2009, lors du Mondial de Mendrisio, j’ai dû voir avec une autre fédération, ici la fédération espagnole, pour couvrir mes dépense pour pouvoir représenter mon pays pendant que les autres (les membres de la fédération costaricienne) restaient les bras croisés. Et ils me demandent d’être solidaire.
Cette fédération est un désastre et j’espère que nous pourrons changer beaucoup de choses parce que chaque jour qui passe, le cyclisme costaricien est plus proche de disparaître et c’est dommage.
En 2014, en Espagne (à Ponferrada), j’ai payé quasiment l’intégralité des dépenses de ce Mondial. J’ai même dû amener mon propre masseur qui dut masser mes coéquipiers de sélection. Vous croyez que l’on peut courir un championnat du monde dans ces conditions ? Et le plus grave, c’est quand les frères Rojas ont fait le voyage du Costa Rica à Ponferrada, ils se sont retrouvés sans aucune chambre d’hôtel reservée. Par chance, le gérant de l’hôtel dans lequel j’étais a pu leur trouver une chambre qui était libre.
Et pour ne pas parler du président de l’époque…celui qui partait à 8 heures du matin et qui ne revenait pas avant 22 heures nous montrait une forte préoccupation. Et vous, président, après tout ça, vous me demandez d’être solidaire. Je crois que c’est un manque de respect que de dire que je ne suis pas solidaire pour le pays alors que je l’ai toujours soutenu et que j’ai essayé de l’amener au sommet. J’ai même fourni les tenues à toute la délégation afin qu’elle puisse concourir. Ce sont plutôt vous (les membres de la fédération) qui devraient être gênés de ne pas soutenir le pays dans ses progrès.
Cette fédération est un désastre et j’espère que nous pourrons changer beaucoup de choses parce que chaque jour qui passe, le cyclisme costaricien est plus proche de disparaître et c’est dommage. Si je fais tout ça, ce n’est pas pour en tirer un quelconque bénéfice personnel. Il me reste encore peu d’années dans le cyclisme et par chance, j’ai une vie assez stable. Si je le fais c’est pour les prochaines générations. De toutes les aides qu’il y a de l’ICODER, du Comité Olímpico, s’il vous plaît, essayez de chercher de nouveaux visages. Je n’en demande pas beaucoup mais ça me fatigue de voir des coureurs continuer à percevoir des bourses alors qu’ils n’ont plus aucune marge de progression.
Et c’est incroyable de voir combien de personnes représentent chaque institution : comment est-il possible de soutenir tout ce personnel si vous ne pouvez pas soutenir les athlètes ? Je ressens une immense tristesse lorsque je reçois chaque jour des centaines de messages sur les réseaux sociaux me demandant des vêtements et de l’aide. De tous ceux qui me le demandent, je suis sûr que s’ils étaient soutenus, un champion en sortirait. Mais ce n’est pas ce qui compte vraiment. De toutes ces personnes qui m’écrivent que grâce au sport elles seraient meilleures. C’est la chose la plus importante.
Monsieur le Président Carlos Alvarado, ministre des sports, ICODER, Comité Olímpico : un pays qui soutien le sport est un pays avec moins de délinquance.
Andrey Amador
Toute l’équipe du dérailleur transmet ses amitiés à Andrey Amador et espère vivement qu’il permettra de faire prendre conscience des dysfonctionnements politiques autour du cyclisme sur ses terres.
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Traduction : Mickaël Pinta