[dropcap size=small]L[/dropcap]’homme et la montagne, un magnifique duel qui s’est tant orchestré sur les pentes du mythique Col du Stelvio. Sur la Grande Boucle, tout le monde attend fébrilement le Tourmalet, le Galibier ou encore l’Alpe d’Huez mais du côté transalpin, c’est bel et bien le Stelvio qui canalise à la fois hantise et envie, crispation et motivation. Le Stelvio n’est pas un col, le Stelvio est un mythe et relaye de fait au second plan d’autres ascensions de haute voltige comme le Mortirolo, le Pordoi ou encore le Gavia.

Le Stelvio, géant italien.

Du haut de ses 2 758 mètres d’altitude, le Passo dello Stelvio toise le plat pays, défie les cyclistes héroïques de franchir ses interminables lacets et promet au plus vaillant une gloire digne d’un guerrier atteignant les dieux au sommet du Mont Olympe. Le Stelvio est le plus haut col routier des Alpes italiennes et le second sur l’ensemble du massif alpin derrière l’Iseran. Rien que ça !

Lorsque l’altitude prête main forte aux pourcentages de l’ascension, difficile de tenir son rang.

Situé au cœur du parc naturel du Stelvio, il relie la province de Bolzano avec celle de la Valtellina. Véritable curiosité touristique, le col se trouve au pied d’un sommet nommé « le pic des trois langues »puisqu’il dresse la frontière linguistique entre l’italien, l’allemand et le romanche. L’ascension peut se faire de deux façons et cette année, les organisateurs nous proposent de l’emprunter en venant de Bormio juste après la descente d’une très douloureuse première difficulté : le col du Passo Gavia. La montée vers le Stelvio comptera ainsi pas moins de 21,5km de bonheur avec une pente moyenne de 7% et des passages avoisinant les 12% : si tu n’as pas les jambes mon ami, tu passeras un très mauvais moment.

Terrain d’expression pour champions.

CoppiKobletQui dit col mythique dit forcément coureur mythique et tout cela se vérifie sur les pentes du Stelvio. La légende débute en 1953 avec le premier passage du Giro sur les routes du redoutable col et qui marque un renversement total de la course. En effet, alors que le solide suisse Hugo Koblet –déjà vainqueur du Giro en 1950- semble indéboulonnable de la tête du classement général, un homme va personnifier le dépassement de soi. Cet homme, ce n’est pas un inconnu puisqu’il s’agit du campionissimo : Fausto Coppi. Le fabuleux italien n’en est pas à son coup d’essai sur le Giro puisqu’il l’a déjà remporté quatre fois mais cette fois-ci, il signe un incroyable retour sur la première marche du podium. Un démarrage cinglant dans les lacets du Stelvio, personne n’est en mesure de prendre sa roue. C’est donc en solitaire que le champion rallie Bormio et s’empare de son cinquième Tour d’Italie ! Le Stelvio est baptisé en cette année 1953 et ce, de la plus belle des manières.

L’histoire ne s’arrête pas là et les ténors du peloton vont s’illuster à travers les âges, dans des conditions climatiques parfois clémentes mais aussi et surtout souvent extrêmes. Véritable juge de paix de la course par étape italienne, il va voir basculer à son sommet de nombreux coureurs de renom : Del Rio (1956), Gaul (1961), Battistini (1965), Fuente (1972), Galdos (1975), Bernaudeau (1980), Vona (1994).

Même si le Stelvio n’a pas souvent été la conclusion d’un parcours, il est très souvent synonyme de l’étape reine de l’épreuve et se voit entouré d’autres ascensions mythiques, ce qui accentue bien évidemment le caractère tranchant de son profil, très difficile d’éviter l’asphyxie lorsque l’on arrive émoussé sur les premiers pourcentages du géant italien.

pantani victoire giro 1994Marco Pantani (non, non il ne s’agit pas de Vincent Lagaf’ …) en 1994 s’était révélé sur les routes du Tour d’Italie durant la fameuse étape empruntant le Stelvio mais aussi le Passo Di Mortirolo. Déjà vainqueur d’étape sur cette même édition à Merano, c’est en véritable pirate que l’italien au destin tragique s’est dévoilé ce jour là. Il épuisera littéralement Miguel Indurain – en lice pour une 3ème victoire consécutive- et Evgueni Berzin en grande forme. La légende du pirate était née, tout le monde savait d’ores et déjà que le coureur italien à suivre serait le diablotin italien. Il terminera deuxième du classement général devant le détrôné Indurain sur un Giro remporté finalement par Berzin.

Dernier passage en date : le 26 mai 2012 avec la victoire non pas d’un italien mais d’un belge en la personne de Thomas de Gendt qui avait attaqué en solitaire dans le Stelvio, cette fois arrivée de l’avant dernière étape de l’épreuve. Terminant avec 56’’ d’avance sur Cunego et creusant un énorme écart sur le reste de la troupe : le troisième de l’étape Mikel Nieve arrivant 2’44’’ après le coureur originaire de Saint-Nicolas. C’est donc l’ascension du Stelvio qui offrira au cycliste belge certainement la plus belle victoire de sa carrière ainsi qu’une magnifique place sur la troisième marche du podium final.

Malheureusement, l’année dernière, les organisateurs ont du tirer un trait sur une partie de la 19ème étape où figurait initialement l’ascension du Stelvio en venant de Bormio. Espérons que cette année, la météo ne viendra pas une fois de plus retirer ce mythe du parcours.

De grands moments sur le Passo dello Stelvio en vidéo.


1953 : Au terme d’un effort incroyable, Fausto Coppi reprend le maillot rose à Hugo Koblet. La légende du Stelvio est née, à jamais scellée avec l’histoire du campionissimo.

 

1975 : Incroyable mais vrai, la dernière étape du Giro est jugée au sommet du Stelvio ! Fausto Bertoglio remporte l’étape et résiste aux attaques de Galdos, deuxième du général à 40 ». Le simple équipier qu’était Bertoglio devient un vrai champion dans un froid glacial et un décor enneigé.

 

2012 : la victoire du belge Thomas de Gendt sur les pentes du Stelvio qui lui permet d’accéder à la troisième marche du podium !