Le Requin de Messine est littéralement devenu le requin bleu en s’imposant sur les routes italiennes du Tirreno-Adriatico. Tout le monde s’accordait à le dire : la course des deux mers avait un avant goût de Tour de France, de grand tour tout court et ce, par bien des aspects. Un plateau de premier choix avec les grands leaders à savoir Nibali, Contador, Froome, Schleck et Rodriguez ainsi qu’un parcours exigeant mais manquant peut être de surprises. Un homme semblait pourtant le mieux armé pour s’imposer sur les routes italiennes : Christopher Froome et l’armada Sky, certainement l’équipe la plus solide autour d’un coureur marchant sur l’eau mais pas sous l’eau.
En effet, la sixième étape va mettre à mal la team Sky, un véritable mur à gravir offrant des images chocs aux spectateurs et téléspectateurs et mettant à la peine une grande partie des coureurs. Tracé polémique ou non ? À vous d’en juger avec les excuses en grande pompe de l’organisation :
« Beaucoup de spectateurs ont apprécié, mais c’était exagéré. Nous avons perdu le bon équilibre. Quand on perd presque la moitié du peloton, il faut être honnête et tirer les leçons de ses fautes. »
Alors que de son côté, l’équipier de luxe en la personne de Richie Porte marquait de son empreinte les routes de Paris-Nice, son leader britannique marquait le pas face à la difficulté d’une étape “spectacle” où seul Chuck Norris aurait certainement pu en finir sans avoir le souffle coupé. Des pourcentages faramineux qui vont se cumuler en fin de course à des pluies diluviennes : que demande le peuple ? Alors que le britannique perdait du terrain, Nibali retrouvait un ancien coéquipier : Peter Sagan qui comme à l’accoutumée très remuant entraîna dans sa roue le sicilien. Un beau clin d’oeil à la Liquigas et à son Basso vieillissant mais il faut relativiser, Nibali avait déjà offert le titre aux hommes en vert la saison dernière : pas de regrets ?
En tout cas la perspective de doubler la mise sur une course qui lui va si bien a donné des ailes à Vincenzo qui va s’emparer du maillot bleu au nez et à la barbe des men in black. A 28 ans, celui qui avait débuté en 2005 sa carrière professionnelle dans l’équipe Fassa Bortolo en a parcouru du chemin et cette saison pourrait lui permettre de gravir un nouvel échelon, c’est vraiment ce qu’on lui souhaite car la fougue se doit d’être récompensée un jour ou … l’autre.
Ce mardi 12 mars, la pression était au rendez-vous avec un contre la montre final décisif étant donné les faibles écarts des grands protagonistes de cette édition. Le duel allait avoir lieu mais à moins d’avoir un gros pépin de santé, une défaillance mécanique, une chute – une traversée d’élans sur le parcours, une fumée blanche, des lutins, un clan uruk-hai et j’en passe – on voyait mal le Requin de Messine lâchait ses 34 secondes d’avance sur Chris Froome. Une petite pensée pour Laurent Fignon et son chrono final du Tour de France 1989, images douloureuses sur lesquelles nous reviendrons d’ailleurs dans un prochain cahier d’histoire.
Nibali négocia parfaitement sa dernière étape, les derniers 9200 mètres, les quelques virages pièges. Froome réalisa un super chrono à seulement 3 secondes du suisse Cancellara – référence du genre mais pas du jour – et à 15 secondes du vainqueur : le rouleur allemand Tony Martin. Quelle surprise pour le champion du monde en titre de la discipline !
San Benedetto del Tronto n’aura donc pas fait basculer le classement final du Tirreno-Adriatico et le Requin désormais bleu rejoint son illustre prédécesseur Tony Rominger (en 1989 et 1990) avec ce doublé consécutif. Le Requin a finalement croqué Froome mais attention à ce que le sky ne finisse pas par lui retomber sur la tête.
«Je suis vraiment content de cette deuxième victoire de suite, car c’est une victoire de valeur contre des adversaires de renom comme Contador, Froome et Rodriguez» V.Nibali
Nous avons hâte de retrouver tout ce gratin en course, on n’oublie pas Contador qui quelque peu éclipsé par le duel ritalo-britannique a pu tout de même grimper tant bien que mal sur la dernière marche du podium dans l’indifférence générale ou presque. En tout cas pas celle de Joaquin Rodriguez qui était vraiment amer, ça reste compréhensible : il descend du podium pour deux petites secondes et se retrouve à reluquer les mollets de son compatriote. Allez Purito, tu auras tout le loisir de te ratrapper sur le Tour de Catalogne.
Prochain objectif pour Nibali ? Sans nul doute Milan-San Remo, la prestigieuse classique lui tend les bras et pourrait voir l’adoubement du sicilien à condition d’être remuant dans la fameuse Cipressa et le Poggio. Attention à son ancien coéquipier Peter Sagan qui le connaît très bien et qui, renforcé de sa double victoire d‘étape sur cette semaine de course ne prendra plus cette fois les traits d’un allié de circonstance.