[dropcap size=big]M[/dropcap]ichael Albasini a encore une fois montré qu’il se sentait chez lui sur le tour de Romandie. Après son récital de 2014 et ses trois victoires d’étapes, il a de nouveau frappé un grand coup cette année avec ses deux victoires d’étapes. Albasini est un coureur solide, expérimenté, un puncheur comme on pourrait le dire, mais si on analyse bien sa carrière son panel est plus large et cette analyse succincte.
Vacciné par un rayon de bicyclette
Né dans le canton de Grisons au porte de l’Italie, il trouve dès son plus jeune âge un terrain de jeu idéal pour un cycliste. En effet, cette région située à l’Est de la Suisse est assez accidentée avec une chaine alpestre la traversant. Vous me direz, il ne suffit pas d’avoir un bon terrain de jeu pour succomber au charme de la bicyclette, c’est exact pour Albasini. Le deuxième facteur déterminant est l’implication de son père Marcello dans le domaine du cyclisme suisse, véritable technicien et passionné, il trouve rapidement des responsabilités au sein de la fédération. Ce qui fait que Michael Albasini fera ses classes en compagnie de son père.
Chez les juniors, il se met en valeur en devenant champion national sur route et en VTT, il sera ensuite rapidement dans l’allure chez les espoirs ce qui lui ouvre les portes d’un stage avec la Fassa Bortolo dès l’été 2001. Fassa Bortolo est cette année-là, l’équipe numéro 1 au niveau mondial et elle compte dans ses rangs Konyshev, Petacchi, Casagrande ou encore Basso. Autant vous dire que si Albasini a eu sa chance, c’est que son potentiel est réel. Il ne signera pas de contrat professionnel à l’issu de ce stage. Si certains coureurs prennent souvent ce fait comme un contre coup à leur évolution, Albasini lui, se relance rapidement en compagnie de son père et enlève le titre U23 de champion d’Europe à Bergame en Italie.
Il franchit donc logiquement le Rubicon au sein de l’équipe Phonak dès 2003. Il sera ainsi dans une équipe Suisse pour ses débuts chez les pros avec un directeur sportif solide en la personne de John Lelangue. Il apprend donc le métier pendant ces deux années chez Phonak et il se mettra en évidence lors du Grand prix de Zurich 2004 (encore une fois à domicile) en prenant la cinquième place sur cette course difficile et relevée.
Le temps de la maturation
Dès 2005, il quitte Phonak et il est enrôlé par l’équipe Liquigas qui voit en lui un coureur capable de faire mouche sur tous les terrains. Il va mettre quelques années à arriver à maturité même s’il commence à remporter quelques succès (5e étape de Tour de Suisse, 4e étape du circuit de la Sarthe) mais c’est véritablement en 2008 qu’il commence à être efficace avec plusieurs victoires et des accessits révélateurs.
Si on s’attarde sur cette saison charnière, on se rend compte que ses qualités propres commencent réellement à s’affirmer. Dès le début d’année il termine 3e au sommet du mont Faron lors du tour méditerranéen puis termine 6e du tour du Haut-Var, il enchaine ensuite avec une 2e place au GP Miguel Indurain et se comporte de bonne manière lors du tour du Pays-Basque. Les Ardennaises se présentent donc à lui, et là, Albasini joue avec les meilleurs sur la Flèche Wallonne se classant 7e, il aura par la suite une relation particulière avec cette course dans laquelle il figurera régulièrement dans le top 10. Malheureusement et malgré sa forme du moment, son équipe ne l’alignera pas sur le Doyenne mais nous avions bien senti que durant ce début de saison 2008, le suisse avait pris une autre dimension.
La saison continue et Albasini répond toujours présent, leader pendant 2 jours sur le Tour de Romandie, vainqueur d’étape sur le Tour du Luxembourg, 12e du difficile tour de Suisse, sa saison est pleine. L’apothéose sera sa sélection aux JO de Pékin avec une belle équipe de Suisse et un leader d’envergure en la personne de Fabien Cancellara. Michael Albasini peut même jouer sa carte personnelle en deuxième rideau mais malheureusement, lors d’un entrainement, il se fracture la clavicule en plusieurs endroits et doit être rapatrié pour se faire opérer. Le rêve olympique se termine sans avoir véritablement commencé.
Mais Albasini n’est pas homme à se morfondre, dès le début de saison 2009 et sous ses nouvelles couleurs que se sont celles de Columbia High Road, il gagne une étape du Tour du Pays Basque, ce qui le lance pour les ardennaises ou il ne déçoit pas avec une 14e place à l’Amstel et encore un top 10 à la Flèche avec une 9e place. Mais la nouveauté en 2009, c’est qu’Albasini gagne maintenant des courses par étapes. Il accroche notamment le Tour d’Autriche en conservant le maillot de leader pratiquement sur l’ensemble de l’épreuve, montrant bien ici que ses qualités ne se limite pas à un puncheur. Au-delà des capacités physiques, il montre également qu’il est maintenant capable de se comporter en leader et de prendre la course à son compte.
En 2010, il étoffe encore son palmarès en accrochant en fin de saison un Tour de Grande Bretagne devant des coureurs de référence tels que Richie Porte. A 30ans, il est donc devenu un coureur solide et ses différents directeurs sportifs n’hésitent pas à lui confier des responsabilités.
Enfin en 2011, il s’empare d’une étape de la Vuelta démontrant là que son panel est plus large que nous le pensions. Ce jour-là entre Sarria et Ponferrada, plusieurs cols sont au programme dont deux dans les 30 derniers kilomètres et malgré cela, Michael Albasini dispose à l’arrivée de Cappechi et aussi et surtout de Moreno qui n’est pourtant pas le premier venu sur ce type de terrain.
Le temps des responsabilités chez les australiens
Dès 2012 et son arrivée chez Green Edge, il est parmi les leaders sur certaines courses et l’ossature de l’équipe lui permet de s’exprimer pleinement, ses résultats s’en ressentent avec de gros succès tel que le Tour de Catalogne où il prend le maillot de leader dès la première étape et résiste à Sanchez, Van den Broeck, Martin, Uran, Cunego…que des pointures sur ce genre de terrain. N’oublions pas malgré tout que l’annulation de l’étape reine, pour cause de neige en haute altitude lui aura été bénéfique. Sa bonne forme de Mars se répercute sur les ardennaises où il loupe le coche sur la Flèche Wallonne en terminant second derrière Joaquim Rodriguez. Albasini est chez lui sur le mur de Huy mais cette classique se refuse à lui. Il terminera également second du championnat de Suisse, un maillot qui pourtant lui irait très bien et qu’Albasini mérite de porter.
En 2013, il engrange encore avec un succès dans Paris Nice, un deuxième Grand Prix du Canton d’Argovie, course qu’il affectionne.
En 2014, à presque 34ans, il éclate lors du Tour de Romandie avec 3 victoires d’étapes, il est omniprésent sur ses terres. Lors de la 4e étape de ce Tour de Romandie, il montre qu’il a maintenant une grosse assise tactique en disposant du très malin Thomas Voeckler. Capacités physiques, abnégation, tactique de course, confiance en soi…Michael Albasini est un coureur sur lequel on peut s’appuyer, on sait qu’il sera au rendez-vous. Et on peut dire qu’il l’a été durant cette saison 2014 : vainqueur des trois vallées Varésines, 7e de la Flèche, 6e du Tour de Lombardie.
Cette année, Il marque encore le Tour de Romandie de sa présence, en alignant des coureurs en forme sur 2 étapes après avoir encore une fois terminé dans le top 10 de la Flèche Wallonne.
On peut donc affirmer que Michael Albasini est maintenant incontournable sur les courses à étapes d’une semaine et les classiques d’un jour, en résumé, dès que les parcours sont difficiles et qu’il faut lutter, Albasini est présent. Ses différents accessits et victoires montrent qu’il est comme le bon vin, il se bonifie avec l’âge. Il a donc encore de beaux jours devant lui et croyons-le, il est encore capable d’en accrocher des belles et on pense en particulier à la Flèche qui se refuse à lui depuis tant d’années. Albasini vainqueur au sommet du Mur du Huy ?…Réponse dans un an !
Philippe Leclercq